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Pourquoi le cartoon ?

Plus exactement pourquoi la caricature, l’illustration surprenante, le dessin humoristique ?

vendredi 3 février 2006, par Luc de Brabandere

L’équipe Pétillante a le grand plaisir de vous proposer cet article de Luc de Brabandere qui reprend le thème de sa conférence à la 4e rencontre Pétillant, ce qui ne manquera pas de raviver d’excellents souvenirs à tous les participants.

Pourquoi le cartoon ?

Plus exactement pourquoi la caricature, l’illustration surprenante, le dessin humoristique ?

Pourquoi la conférence devient-elle tout à coup plus claire, la page du journal plus attractive, pourquoi le concept est-il mieux compris et le propos devient-il limpide ?

C’est parce que le cartoon contient tous les ingrédients du moment magique de la pensée, celui où jaillit l’idée nouvelle. Argumentons un peu.

Contrairement au proverbe, un dessin ne vaut pas mieux qu’un long discours.

Il faut l’un et l’autre. Le dessin est donné immédiatement et s’adresse au cerveau droit, les mots sont en séquence et sont destinés au cerveau gauche. La qualité de l’un ne compense pas les faiblesses de l’autre. Ce n’est pas une addition de messages, c’est une multiplication de la communication. La logique des mots entre alors en résonance avec la magique du dessin. Magie, image, imagination. Tout se tient.

Mais celui qui sait dessiner les idées et qui sait croquer la pensée est aussi celui qui a (beaucoup) travaillé ses quatre talents et dons :

  • Le cartooniste aime sourire et rire. Il aime faire sourire et il aime faire rire. Il veut surprendre, étonner car il sait que là réside sa force.
  • Quand il a sous les yeux ce que tout le monde a sous les yeux, un artiste a néanmoins la faculté de voir ce que personne n’a vu. Comme Salvador Dali qui voit une chaîne de montagne làà où les autres voient un visage, comme Arcimboldo qui voit un visage làà où il n’y a pour beaucoup qu’un plat de fruits frais. Le cartooniste aussi voit un spermatozoïde plutôt que la souris d’un ordinateur, ou un piano à queue plutôt qu’une carte de l’Afrique.
  • Le cartooniste fait des liens inédits entre des éléments qui sont dits (parfois même depuis longtemps). En première page du Monde, Plantu relie le plus souvent des événements que par ailleurs beaucoup de pages séparent. Et des footballeurs se retrouvent ainsi ministres, tout comme un patron d’entreprise devient animateur de télévision.
  • Le dessinateur fait appel à l’imagination et tout devient possible... Un cheval peut tout à coup calculer, une machine peut se mettre à rire, les arbres peuvent monter jusqu’au ciel.

Pourquoi le cartoon ? La réponse tient dans ce constat : les quatre caractéristiques qui font le bon cartooniste sont aussi celles du moment créatif.

  • L’humour est un combustible de l’imagination. L’étonnement, le rire, l’admiration est une séquence classique pour mener à l’Euréka. Arthur Koestler la résumait d’une formule choc : Ah - Haha - Aha !
  • Avoir une idée nouvelle correspond à un changement de perception. Ce n’est pas la réalité qui est changée, c’est la manière de la voir.
  • L’idée nouvelle est bien souvent un lien nouveau établi au-delà des résistances premières. Arthur Koestler, encore lui, appelait « bissociation » cette démarche plus audacieuse et plus volontariste que la simple association.
  • La créativité vient à celui qui éteint ”momentanément” sa faculté de juger. Il sait que la meilleure manière d’avoir une bonne idée, c’est d’en avoir beaucoup. Et que la quantité n’est possible que si les règles sont oubliées.

Pourquoi le cartoon ? Parce qu’on y trouve les quatre dimensions de la créativité. Le cartoon est le canif suisse de l’imagination. Il apparaît à celui qui étonne, change de regard, ose des liens inédits et fait disparaître la critique.

Devenir créatif, c’est devenir cartooniste de son propre monde car le premier moment de la trouvaille a tout d’un dessin humoristique. Quand une idée nouvelle se donne à l’inventeur, l’étincelle met le feu aux poudres des concepts et fait exploser l’un ou l’autre stéréotype. Le principe de la machine à vapeur est né de l’inversion du principe de la pompe. Edison a inventé la lampe incandescente quand il a voulu produire de la lumière en empêchant quelque chose de brûler. Le Post-it™ s’est donné à celui qui a osé de la colle qui ne colle pas. PathFinder est arrivé avec succès sur la planète Mars, entouré d’airbags, en rebondissant comme un ballon de football. Le rasoir CoolSkin de Philips est né d’avoir mis à l’intérieur d’un rasoir électrique une lotion de rasage développée par Nivea.

Toutes ces idées se sont avérées bonnes, très bonnes mêmes. Parce que, le jour de leur naissance elles étaient un cartoon. Ou presque...

Mais être créatif, c’est aussi se savoir incomplet, éprouver le besoin de l’autre pour suivre. Comme tous ceux qui imaginent des cartoons partout... mais ne savent pas dessiner !

Merci les artistes.

Ressources en ligne

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