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Ma découverte des cartes heuristiques

vendredi 6 février 2004, par Jean-François Piat

J’ai découvert les cartes heuristiques en mars 2003. Cet article est né d’une rencontre avec l’équipe Pétillante qui m’a encouragé à témoigner ici.

 Ma découverte du concept

Je suis un utilisateur invétéré de Visio® (Microsoft® Professionnal 2002), un logiciel de schématique que j’utilise dans mon métier principalement pour documenter des réseaux télécoms.

En mars 2003, j’y découvris un modèle de document qui m’était auparavant inconnu. Je pouvais lire pour la première fois le terme « Schéma d’idées », appuyé par un dessin étoilé plutôt obscur. Le descriptif de ce modèle était libellé ainsi :

Permet de créer des diagr. d’idées (représent. graph. De processus de réflexion) : résolution problèmes, analyses rationnelles, prise décision et réflexion collective avec techn. de Buzan

Si le « ramage » était en cohérence avec le « plumage » de ce descriptif, je pouvais attendre beaucoup de cette méthode. Malheureusement, l’utilisation du modèle m’a plutôt frustré faute d’explication supplémentaire. Je choisis cependant d’étendre ma culture sur le sujet.

J’ai effectué à l’époque quelques recherches (Internet, livres...) pour finalement acheter le seul ouvrage disponible chez mon libraire : Une tête bien faite de Tony Buzan. Je l’ai dévoré en quelques heures, apprenant ainsi un certain nombre de notions sur le fonctionnement du cerveau, de la mémoire et ... des cartes heuristiques.

Une recherche approfondie sur l’Internet m’a permis de trouver une quantité de ressources un peu plus importante. J’ai récupéré à ce moment une série de cartes heuristiques plus ou moins claires pour moi. Les sites distillant des informations sur le sujet sont finalement peu nombreux. Par ailleurs, la multitude de dénominations pour traiter de ce seul sujet renforce cette idée de dispersion de l’information (schéma heuristique, schéma d’idée, Mind Map™, topogramme...).

Mon impression à ce moment était d’être devant d’un outil puissant dont je ne maîtrisais RIEN. Tout le monde en parlait, sans pour autant réaliser une présentation simple et complète pour le novice que j’étais.

 Mes premières réalisations

Sans appréhension, j’ai pris un crayon et un papier pour réaliser ma première carte après avoir terminé l’ouvrage, puis ma deuxième...

Au début, mes cartes ne contenaient que quelques mots, pas d’image et les « préceptes » habituels n’étaient en aucun cas respectés (pas de cœur en 3D, pas de branches principales coloriées, longueur de branche différente de celle des mots associés).

La difficulté du moment était que les cartes que je réalisais n’étaient pas réutilisables. D’abord, parce que traitant de sujets bien spécifiques (scénarios de jeux de rôles, remue-méninge personnel...) et ensuite parce que j’étais le seul dans mon entourage à pratiquer cette méthode.

J’ai donc décidé de choisir au sein de mon travail des réunions dans lesquelles je n’étais pas une pièce centrale. Je pouvais ainsi prendre des notes sous forme de carte heuristique et me retrouvais confronté à de nouvelles difficultés : ne pas choisir les bons mots clés, me retrouver bloqué dans le coin de la page, obtenir des branches « vides » ou « borgne » (c’est le terme que j’emploie pour parler d’une branche sans arborescence) etc. Bref, je pouvais apprendre.

Dès les premiers comptes rendus de réunion, les avis de mes collègues se sont fait ressentir.

En premier lieu, ma responsable a été particulièrement satisfaite de la clarté et de la concision de mes rapports, mais aussi de leur rapidité de réalisation. Le reste du public était lui plus mitigé. Je dirais encore aujourd’hui qu’il réagit de la façon suivante :

  • 15% sont intéressés et curieux de la méthode ;
  • 60% sont sans avis sur mes travaux ;
  • 25% trouvent cette façon de travailler plutôt incongrue et peu crédible

Je reviendrais plus tard sur cette notion de crédibilité.

 La journée heuristique

Peu après ma découverte, une journée sur les cartes heuristiques a été annoncée sur le forum éponyme. En m’y rendant, j’ai pu constater que nous étions un certain nombre à pratiquer les cartes heuristiques. J’ai pu aussi percevoir la multiplicité des champs d’action abordables : public handicapé, gestion de projet, gestion d’incidents... et d’une façon plus générale des domaines adaptés à la fois aux utilisations personnelles, professionnelles et scolaires.

Mon avis sur l’utilité des cartes heuristiques s’en est trouvé renforcé.

 ... et j’avance à grands pas

La pratique - Depuis cette rencontre, je n’ai pas cessé de pratiquer les cartes heuristiques sur un plan :

  • Professionnel : compte rendu de réunion, remue-méninges (seul), Brain Storming (en groupe), préparation et support de réunion, présentation, etc.
  • Personnel : fiche de lecture, jeux de rôles, projets familiaux, menus des vacances, etc.

D’un point de vue plus personnel :

  • Cette façon d’aborder un sujet nouveau correspond totalement à ma « boulimie » d’apprentissage. Lorsque je découvre un sujet qui me tient à cœur, j’essaye d’y faire converger le maximum de mes activités pour cerner ses véritables valeurs.
  • « J’ai réalisé que beaucoup de choses pouvaient être cartographiées ! »

Les ouvrages - J’ai commandé tous les ouvrages du moment, puisant dans leurs illustrations et suggestions pour réaliser mes propres cartes :

À ce moment, la plus grande difficulté pour moi a été de trouver des exemples sur lesquels m’appuyer pour créer mes propres cartes.

Formation - J’ai aussi participé à la formation au dessin appliqué aux cartes heuristiques, animée par Pierre Le Den et conçue par Frédéric Le Bihan. Principalement pour voir comment structurer une carte dans l’espace, comment construire son cœur, comment faire les branches... J’y ai appris beaucoup de choses. Le fait de trouver des personnes avec lesquelles échanger a été aussi particulièrement profitable. Les partages de points de vue, de méthode, d’utilisation permettent de se constituer une vue macroscopique plus réaliste.

La sensibilisation de mon entourage - J’ai continué à essaimer cette méthode dans mon entourage. Sans d’ailleurs chercher à le faire véritablement.

Organisation d’un WE en famille
Exemple d’application personnelle

Mon épouse n’a absolument pas abordé les cartes heuristiques. Mais mes travaux lui sont quand même soumis régulièrement. À ce jour, elle s’est appropriée la structure de la carte et la « méthode » de lecture qui lui est liée.

Au bureau - Une bonne dizaine de collègues se sont intéressés à ces « étranges dessins » que je pouvais réaliser.

En essayant d’être factuel, je leur ai brossé les possibilités et les limites de l’outil. Mon manque d’expérience et la méconnaissance du sujet m’ont mis parfois dans l’embarras. Les questions auxquelles j’ai été confrontées étaient :

  • Un compte rendu de réunion « mappé » peut-il être lu par les non-participants ?
  • Quel gain peut-on obtenir avec cet outil ?
  • Ne sachant pas dessiner, comment faire des cartes ?
  • Est-ce que l’on gagne réellement du temps ?
  • ...

Malgré mes réponses approximatives, certains ont décidé de l’utiliser dans leur travail (ex : formalisation d’une documentation, présentation Powerpoint...). Cet « essaimage » a permis de sensibiliser une partie des collaborateurs sans imposer la méthode.

Ma responsable et moi avons par ailleurs décidé de faire découvrir ce type de cartes au sein de la société (présentation à la Direction IT). Là, le ressentiment a été particulier.

Les collaborateurs ne « perçoivent » pas forcément l’intérêt de cet outil ou sont déstabilisés par la structure des présentations Powerpoint et de manière plus générale, l’originalité de l’outil va plutôt à l’encontre de sa crédibilité.

Je pense que la meilleure solution contre ce manque de crédibilité et de montrer la puissance de l’outil sans l’imposer. Simplement en donnant des réponses aux problématiques régulières de l’entreprise :

  • Quel point a été abordé il y a deux semaines dans la réunion XXX ?
  • Quelle validation a été réalisée il y a un mois ?
  • Quelle vue macroscopique avez-vous de cet incident ?
  • Êtes-vous certain d’avoir le même niveau d’informations sur ce projet ?

Ainsi, plutôt que d’imposer cet outil autour de soi, il vaut mieux le laisser s’intégrer lentement dans les habitudes en montrant régulièrement son utilité.

Avec mes amis - J’ai aussi sensibilisé un de mes amis, professeur dans un lycée professionnel.

Après un échange informel sur ce que sont les cartes heuristiques et ce que j’en retire, nous sommes finalement arrivés à imaginer leurs utilisations au sein des classes de premières et de terminales professionnelles.

L’idée a d’abord été de « traquer » l’évolution des connaissances des élèves sur un sujet spécifique. Initialement avant le cours puis en conclusion de celui-ci. Aujourd’hui, cet aspect n’a pas été mis en œuvre, mais une autre utilisation des cartes a été faite : les élèves reçoivent un résumé du cours sous forme de carte et ne sont pas obligés d’annoter celle-ci.

L’acceptation a été immédiate. Près de 90% des élèves ont complété la carte et se la sont appropriée.

 ...Aujourd’hui et demain...

Je continue avec un enthousiasme non dissimulé à réaliser des cartes. Comme moi, elles évoluent au gré de mes envies et de mes apprentissages. Je dispose maintenant d’un matériel qui me convient et j’ai amélioré mes outils (je me promène toujours avec mon carnet de croquis pour y pencher toute idée originale). Mes cartes ne sont certainement pas parfaites, mais elles me correspondent.

J’attends aujourd’hui la troisième journée heuristique avec beaucoup d’impatience.

Je termine sur une note personnelle et quasiment philosophique... : J’apprécie cette sensation de découverte d’une « terra incognita » lorsque je fais une carte en me laissant guider par les deux hémisphères de mon cerveau.